L’art de gouverner

Énorme contraste entre le bilan que fait le président Duque de ses trois années de mandat et ce que l’opinion publique avait en tête. Une indication claire de la difficulté de se mettre à l’écoute de la citoyenneté. Et ce malgré le fait que nous vivons dans un monde qui profite du miracle de la révolution des communications. Une enquête qui chercherait à vérifier dans quelle mesure l’opinion publique était au courant de ces réalisations serait très révélatrice. Le fait est que même le concept qui les englobe n’a pas été saisi : la recherche de l’équité.

Ce n’est pas seulement en Colombie. On peut dire que c’est une plainte générale parmi les dirigeants d’hier et d’aujourd’hui : c’est une autre dimension de la déconnexion qui caractérise la crise de la démocratie libérale. Ainsi, il n’est pas difficile de comprendre la crise de représentativité, et il est facile de comprendre la raison de la perte de crédibilité dans les institutions et les autorités, et la confiance précaire à l’égard de la politique et des politiques publiques.

La grève nationale et les blocus absurdes ont fait naître un sentiment contradictoire dans la citoyenneté qui exigeait à la fois le respect de la protestation sociale et déplorait l’impuissance à assurer l’ordre public.

Sans parler de l’impact négatif qu’une administration de la justice lente ou inexistante crée sur la perception qu’ont les citoyens du pouvoir de l’État. Et ainsi de suite l’insupportable question de la méga-corruption qui se retrouve dans les mêmes problématiques (nourrir les écoliers ou les plus nécessiteux) ou dans les embauches les plus importantes.

Il n’est pas nécessaire de se référer à des facteurs mondiaux (la pandémie) ou régionaux (la migration) ou nationaux (le crime organisé voué aux drogues illicites ou à l’exploitation minière illégale, etc.).

Sans parler des conséquences de la polarisation qui affecte tant de pays ou de la rupture du consensus sur des questions fondamentales.

Un récent rapport du Washington Post révèle l’impact formidable de la lenteur ou du report indéfini de rendez-vous clés, par exemple, aux États-Unis. Le sujet était connu, mais selon cette recherche, il s’agit désormais d’une puissante stratégie d’obstruction. Voici les faits : le Sénat doit approuver 1237 nominations faites par le Président. Le Post a enquêté sur ce qui est arrivé à 799 de ces postes et a découvert que le président Biden n’avait pu en pourvoir que 112. Dans l’administration Reagan, le délai moyen était de 56 jours ; dans ceux d’Obama et de Trump, il est passé respectivement à 112 et 117 jours. Le rapport demande pourquoi les contribuables doivent-ils accepter une pratique qui serait inacceptable dans une entreprise privée ?

Ces situations et d’autres invitent à une réflexion très sérieuse et pragmatique sur l’art de gouverner et d’être en phase avec les gouvernés. Il y a des leçons négatives et positives qui doivent être examinées pour favoriser ce qui est sans aucun doute une urgence ici et ailleurs : assurer une gouvernance démocratique responsable mais opportune et efficace.
Nous vivons dans un autre monde très différent des siècles précédents et il est incongru, pour le moins, de maintenir des pratiques d’administration publique qui sont manifestement inutiles ou incommodes ou qui nécessitent un traitement différent, respectueux des droits fondamentaux, mais en harmonie avec les droits d’autrui. et avec les attentes des gouvernés pour un plus grand bien-être.