Le discours amoureux (en littérature) – Jornal da USP

Par Jean Pierre Chauvin, professeur à l’École des communications et des arts (ECA) de l’USP

Commençons par une date significative. En ce qui concerne le niveau des affections, l’imaginaire occidental a été contaminé, depuis l’avènement du romantisme à la fin du XVIIIe siècle, par la représentation, tantôt calculée, tantôt extrême, de l’amour. En musique, succession rapide ou lente de notes, jouées doucement ou avec une plus grande intensité. Dans les arts visuels, la plus grande fréquence des portraits en pleine nature. Dans la poésie arcadienne, l’appel au répertoire bucolique, qui remonte à Théocrite, Virgile, Pétrarque, Camões, etc.

Au cours de la première moitié du XIXe siècle, la romance devient le genre le plus propice à la représentation des personnages amoureux. Affection qui, comme une centrale électrique, était capable d’ébranler les institutions sociales apparemment les plus solides, telles que l’église, le mariage, la propriété et la famille. Le lien entre le genre littéraire (Romance) et le thème (Love) était tel qu’aujourd’hui encore certains désignent la relation amoureuse comme « romance », sans distinguer le genre lyrique-amoureux de la modalité littéraire (Romance) dans laquelle elle était thématisée avant et pendant le XIXe siècle.

Outre les questions terminologiques, qu’est-ce qui caractérise l’Amour dans la littérature romantique ? Une vitamine puissante contre l’ennui et la mélancolie; un expédient qui a permis de questionner les structures sociales et la cellule familiale ; une énergie capable de défier les coutumes, les conventions en vigueur ; symbole de la défaite du calcul face à la spontanéité ; état qui opposait la platitude des affections à l’oscillation des humeurs ; situation où l’instabilité affective l’emporte sur une vie tiède sans surprises ; étape capable de détourner le personnage du droit chemin, de troubler l’ordre et de compromettre le plan d’objectifs, etc.

Bien sûr, nous pourrions étendre la liste à des kilomètres ; cependant, cette brève liste couvre l’essentiel. Le fait est que, même aujourd’hui, l’art littéraire suggère que le plein Amour rivalise avec les méthodes de contrôle et d’interdiction. Comme nous le savons bien, l’Amour peut être le plus grand antidote contre les diverses formes de Pouvoir. Le sujet peut devenir encore plus intéressant si l’on tient compte du fait qu’il existe des affections réciproques et non partagées.

Dans le premier cas, force est de constater que les récits tendent à obéir à une sorte de cartographie dans laquelle les territoires occupés par l’Amour tendent à augmenter en extension, jusqu’à ce que le couple amoureux surmonte tous les nœuds et consacre sa complicité grâce au mariage. Lorsque cela se produit, nous supposons que la vie intime a été sanctionnée par la famille, le groupe ou la société.

Dans le second cas, le thème gagne en complexité, puisque l’écrivain doit composer avec deux conceptions divergentes : celle du personnage désirant et celle du personnage qui ne répond pas amoureusement. Une partie désire presque tout ; un autre, peu ou rien n’attend ; un personnage émet des signaux constants, comme une flamme ; l’autre exerce des ordres froids, donnant, tout au plus, de faibles indications qu’elle veut maintenir un lien. Une figure tantôt déborde, tantôt agit dans un rythme d’attente, contrairement à l’autre qui, de temps en temps, enverra des ondes sonores à distance de sécurité, où elle se sentira confortablement installée.

Dans tous les cas, pour que la Romance (de genre) se déroule, il faudra que la partie désirée ne rompe pas le lien (aussi ténu soit-il) avec la partie désirante. La rupture définitive entre le sujet aimant et la personne qui désire impliquerait d’annuler le dialogue entre les personnages et de rendre impossible la poursuite du récit…

Les lecteurs seraient laissés dans l’ignorance : (1) de la direction que les créatures ont prise ; 2° la manière dont l’être désirant a surmonté (ou non) le désordre des affections ; la façon dont la partie désirée est sortie dans le monde sans regarder en arrière, en supposant que cela aurait un impact sur « leur » vie stable, ordonnée et prévisible…

Dans la Préface de Fragments d’un discours amoureux, publié en 1977, Roland Barthes supposait que « le discours amoureux » était utilisé par « des milliers de sujets, mais soutenu par personne ». C’est peut-être pour cette raison même que le sujet amoureux « courait mentalement d’un côté à l’autre », fabriquant « des intrigues contre lui-même ». Un personnage qui se trouverait dans une situation analogue à celle-ci pourrait déclarer que le désordre des affections serait plus grand que la contention ordonnée ; plus puissant que le pragmatisme, parfois confondu avec la maturité.

Près de cinquante ans plus tard, nous discutons des hypothèses inhérentes au domaine de la fiction. Et, comme presque tout tient dans une œuvre littéraire, il y aura ceux qui profitent d’une Romance, détectant des épisodes crédibles, des dialogues pertinents, des modes de conduite compatibles avec l’existence contradictoire – en deçà ou au-delà des pages.

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