Le Tribunal fédéral (STF) est le instance suprême du pouvoir judiciaire au Brésil. Elle a été créée en 1891, quelques années après la proclamation de la République. Formé de 11 ministres nommés, Le STF est l’organisme qui symbolise la démocratie et la justice. Toutefois, lorsque l’on examine la composition du tribunal au fil du temps, peut-on constater représentation de la société brésilienne ?
Au cours de ses 132 années d’existence, la Cour a eu pour ministres, 168 hommes et 3 femmes. Seuls trois Noirs occupaient des sièges au tribunal, dont aucune femme.
Dans un pays où 55,9% de la population se considère noire ou métisse et plus de la moitié sont des femmes, Que peut dire le profil des ministres du STF sur la représentation et la démocratie au Brésil ? Dans ce texte, Politisez ! tente de répondre à cette question en retraçant une histoire et une comparaison entre la société et la Cour depuis la redémocratisation.
Quel est le profil des ministres du STF ?
Depuis la redémocratisation amorcée en 1985, 30 personnes ont été nommées et ont occupé des sièges au STF. Le profil de ces ministres peut être défini comme suit :
- Hommes;
- Blancs;
- Sud-est.
Plus en détail, 27 sont des hommes, 18 viennent d’États comme Minas Gerais, Rio de Janeiro et São Paulo et 29 sont blancs. Ce qui signifie que seules 3 femmes occupaient le poste de ministre du STFainsi qu’un seul homme noir.
Il est important de noter que la participation des femmes à la Cour n’a en fait commencé qu’après la redémocratisation. Ellen Gracie est devenue la première ministre du STF en 2000, après avoir été nommée par le président de l’époque, Fernando Henrique Cardoso. Six ans plus tard, Cármen Lúcia la rejoint et, en 2011, année où Ellen Gracie quitte le STF, Rosa Weber devient la troisième femme à siéger à la Cour.
Joaquim Barbosa, nommé en 2003, était le seul noir à occuper un siège au STF depuis la redémocratisation. Sa nomination intervient 84 ans après qu’Hermenegildo Rodrigues ait occupé le poste de vice-président de la Cour suprême en 1919. Rodrigues était originaire du Minas Gerais et était le deuxième homme noir à la Cour. Le premier fut Pedro Augusto Carneiro Lessa qui prit ses fonctions en 1907.
La composition jusqu’en septembre 2023 est :
- Rosa Weber ;
- Roberto Barroso ;
- Gilmar Mendès ;
- Carmen Lucia;
- Journées du caramel ;
- Luiz Fux ;
- Edson Fachin;
- Alexandre de Morais ;
- Nunes Marques ;
- André Mendonça ;
- Cristiano Zanin.
Dans ce format, il y a deux des trois femmes qui, historiquement, ont siégé à la Cour et il n’y a pas de représentants noirs. En outre, sur les 11 ministres, sept sont originaires du sud-est, l’État de São Paulo étant le plus représenté. Le Nord-Est et le Centre-Ouest ont chacun 1 ministre, le Sud en a 2. La région Nord n’a pas de représentant et depuis la redémocratisation, elle n’a eu qu’un seul ministre à la Cour, Menezes Direito, qui en a assumé la présidence de 2007 à 2009.
Représentativité : population brésilienne versus STF
Avant de parler de la représentativité du STF par rapport à la société brésilienne, il est important de comprendre ce qu’est ce concept et ce qu’il signifie.
La représentativité fait référence à présence et visibilité des individus issus de groupes minoritaires dans les domaines de la société. C’est important parce que valide les expériences et les identitésen plus de contribuer à la construction de sociétés plus participatives et justes.
Quand on parle de société démocratique, la représentation permet aux personnes issues de ces groupes minoritaires de se considérer comme des membres de la société. Par ailleurs, cette augmentation de la diversité des lieux d’exposition permet de briser les stéréotypes et les préjugéscontribuant ainsi à une meilleure compréhension des différentes cultures et identités.
Il y a aussi la possibilité de travailler à résoudre des problématiques sensibles pour certains publics lorsqu’il s’agit de personnes ayant vécu une situation similaire. Cela signifie, par exemple, que les femmes occupant des positions de pouvoir ou de visibilité peuvent rendre visibles, orienter ou proposer des solutions aux problèmes rencontrés par les femmes. La même chose peut se produire avec les Noirs ou les autochtones, qui peuvent de manière plus appropriée introduire dans le débat public les problèmes ressentis et vécus par ces groupes. De cette façon, la représentation finit par être un moyen de promouvoir la participation et l’inclusion.
Comme déjà mentionné, tout au long de son histoire, le STF n’a eu que trois femmes ministres, toutes nommées après la période de redémocratisation. Dans le cas des Noirs, il avait également trois ministres. Les deux premiers ont occupé leur siège devant l’Estado Novo de Getúlio Vargas et, après plusieurs décennies seulement, le troisième ministre noir du pays est apparu en 2003. Les femmes noires et les peuples indigènes n’avaient même pas de représentants.
Ces chiffres indiquent un sous-représentation de la société brésilienne à la Cour. En effet, les femmes et les Noirs constituent la majorité numérique dans le pays. Considérer ces groupes comme des minorités est lié à l’histoire de l’oppression et de l’éloignement de ces groupes des espaces de pouvoir et de prise de décision. Ce qui peut s’expliquer par le racisme structurel et le machisme présents au Brésil.
Les femmes au STF
« Le déficit de représentation féminine dans les espaces de pouvoir signifie un déficit pour la démocratie brésilienne elle-même. »
Le discours a été prononcé par la ministre Rosa Weber et elle souligne une faiblesse de la démocratie dans le pays : le manque d’inclusion et de participation des femmes dans les espaces de prise de décision.
Cet aspect de la structure du système de pouvoir et de gouvernement du Brésil était encore plus problématique. Le petit nombre de trois femmes déjà passées par le STF constitue une amélioration par rapport aux périodes précédentes. Avant l’an 2000, aucune femme n’était parvenue à la Cour. C’est à dire, La première femme n’est apparue que 109 ans après la création de cette institution.
La participation des femmes au tribunal brésilien est en effet quelque chose qui attire l’attention. Selon la recherche « À qui donnons-nous les moyens d’agir ? Indicateurs et tendances sur la diversité judiciaire dans les cours constitutionnelles », de l’Association des juges fédéraux du Brésil (Ajufe), la participation des femmes dans les tribunaux au Brésil est de 11 %, tandis que dans d’autres pays, ce taux atteint 26 %.
Personnes non blanches dans le STF
Sur les questions ethniques, le Brésil est également en retard sur la moyenne mondiale. Alors que le taux global de non-blancs est de 8,5 %, le tribunal brésilien n’en a que 3,7 %. En outre, selon l’enquête du projet Justa, les hommes blancs ont 8,2 fois plus de chances de devenir juges.
Les inégalités ethniques et sociales actuelles affectent également le plus haut tribunal du pays, qui ne se concentre pas uniquement sur les Noirs. Les peuples autochtones, par exemple, n’étaient pas représentés devant la Cour.
L’absence des Noirs dans cet espace n’est pas unique, c’est juste une autre exclusion imposée à ce groupe. Avec une structure qui s’est formée et consolidée depuis la période esclavagiste, le racisme a historiquement empêché la participation et l’inclusion des personnes noires dans les espaces. L’accès à l’exercice de fonctions à la Cour ne serait pas différent.
Quel est le lien entre la représentation et la démocratie ?
La représentativité est fondamentale à la démocratie, car elle est liée à l’idée d’égalité et de participation citoyenne. Dans les systèmes démocratiques, la diversité de la société doit être présente dans toutes les instances de pouvoir de cet État, ce qui indique qu’il n’y a aucun obstacle à l’inclusion et à la participation des différents secteurs et groupes à la prise de décision.
Lorsque les minorités sont sous-représentées ou exclues de ces lieux, la démocratie n’est pas pleinement établie et échoue dans son objectif de donner une voix à tous les citoyens. De plus, il est possible que des injustices sociales se produisent, puisque ces personnes peuvent avoir des besoins non satisfaits ou des problèmes qui ne sont pas pris en compte, ce qui non seulement contribue à la marginalisation et à la discrimination, mais est également un symptôme de ces problèmes.
Comme vu, Le Brésil est un pays diversifié, mais peu représenté dans une institution comme le STF. Prendre en compte la diversité dans ces espaces est un indice important du renforcement de la démocratie et des valeurs républicaines d’égalité et de participation.