Qu’y a-t-il derrière la « guerre TikTok » ? – Revue USP

Si séparer le faux du vrai est propagé comme l’une des préoccupations majeures, tant du côté des autorités que des utilisateurs des réseaux sociaux, la conception des applications ne favorise pas toujours cette différenciation. La viralité d’un tweet, d’une vidéo ou encore d’une image hors contexte est astronomique, et depuis le début du 20ème siècle, quand les premiers reportages photographiques de guerre ont établi ses protocoles, on sait que le pouvoir d’une bonne image peut émouvoir des pays entiers.

À cet égard, ces dernières semaines, l’une des images les plus frappantes de l’invasion russe de l’Ukraine est une photo, prise par le photojournaliste Tyler Hicks, qui montre un soldat mort au sol devant un char désaffecté, le corps recouvert d’une couche de neige. La photo a été publiée sur la première page de Le New York Times le 26 février.

Un autre témoignage du début de la guerre, cité par plusieurs publicationsc’est un Vidéo TikTok, publié le 24 février, montrant des images de caméras de téléphone et des clips vidéo de missiles tombant sur la ville de Kiev comme des feux d’artifice. La vidéo est accompagnée de la chanson petit âge sombredu groupe indie-pop MGMT, un élément qui, bien qu’il semble morbide, correspond parfaitement aux directives esthétiques de TikTok.

Les deux sont les visages d’une couverture à multiples facettes qui amène différentes traditions dans la conversation et le conflit. Pour l’historienne Erika Zerwes, chercheuse sur les origines du photojournalisme dans son doctorat soutenu à l’Université d’État de Campinas (Unicamp), l’émergence de ce type de reportage implique d’abord de comprendre l’évolution de la technologie photographique il y a 100 ans et la motivations derrière les premiers grands noms du domaine.

Citant des photographes comme Robert Capa, qui, pendant la guerre civile espagnole, qui s’est déroulée entre 1936 et 1939, ont enregistré « les individus anonymes, souvent des civils et des réfugiés, qui ont représenté les destructions causées par la guerre », l’expert rappelle que les caméras à l’époque « fait un saut technologique ». En raison de sa portabilité, des appareils photo comme le Leica récemment créé « permettaient au photographe de s’impliquer pleinement et d’être avec les soldats, au plus près de l’action ».

C’est à partir de ce premier reportage d’images que les photographes du conflit « développèrent un langage photographique, fondé sur les évolutions techniques, mais aussi dans une perspective qui voulait dénoncer la barbarie fasciste commise contre un pays qu’on laissait seul combattre contre le fascisme mondial », résume-t-elle.

Le langage visuel créé par le groupe formé par Capa, Gerda Taro et David Seymour « a marqué l’histoire de la photographie et jeté les bases de ce qui est devenu le photojournalisme moderne », dit-il.