La bataille des couleurs

Les murs et les murs sont le nouveau centre de bataille de Cali. Et c’est le Maire lui-même ainsi que certains de ses fonctionnaires qui mettent de l’huile sur le feu, sans avoir l’air de comprendre que leur rôle doit être de concilier les positions, de mettre de l’ordre et, d’abord, de gouverner pour tous.

Je commence par préciser qu’il me semblait déplacé, et plus encore temps, ce jour convoqué il y a 15 jours par un petit groupe de citoyens de Cali, et d’où tant d’autres politiciens qui pêchent maintenant dans une rivière en difficulté à un peu moins d’un Année électorale, au cours de laquelle ils ont voulu effacer avec un pinceau -gris pour plus de signes- ce qui s’était passé à Cali au cours des deux derniers mois.

Je n’aimais pas non plus voir ma ville avec tant de haine, détruite par les vandales, souffrant de disette, pleurant les morts, de plus en plus appauvrie et plongée dans l’anarchie à laquelle le manque de gouvernement et d’autorité la conduisait. Mais cette « peinture », peu importe combien elle voulait envoyer un message de rejet de ce qui s’est passé et de ceux qui ont commandité le chaos, n’aurait pas dû être faite alors parce qu’on savait qu’elle ne contribuerait pas à des solutions et ne ferait qu’engendrer une plus grande polarisation parmi les citoyens, comme cela s’est produit .

Mais je ne suis pas non plus d’accord avec la réponse que lui a donnée l’Administration locale : laissez qui veut, où et comme il veut peindre n’importe quel mur, mur, pont ou espace public qui se trouve sur son passage. Car de cette manière, la Mairie assure qu’il s’agissait d’un accord dans lequel ils avaient l’accompagnement et l’intervention de groupes artistiques reconnus de la ville, qui ont également donné les autorisations respectives – accordées en un temps record, soit dit en passant – et défini les lieux pour ce faire, ce qu’on a vu c’est que n’importe qui peut mettre ce qu’il veut n’importe où à Cali et que la haine, la colère, le rejet des institutions et encore la lutte des classes est ce qui se reflète dans une bonne partie de ces messages peints.

Je comprends la valeur que les graffitis et les peintures murales ont en tant qu’expression culturelle et populaire, à tel point que lorsque je voyage dans d’autres villes, je passe du temps à visiter des endroits où cet art urbain prédomine. Je sais aussi que la liberté est essentielle pour qu’elle remplisse sa mission de transmettre le message et le sentiment de l’artiste. Mais ce n’était pas non plus le moment pour ce brevet de chevreuil d’être délivré à Cali. Dites-moi quel message positif ce qu’ils ont fait sur le pont de l’autoroute avec 26 transmissions, transformé en une horreur par quelques braves bars d’Amérique et renommé par eux en ‘villa diablo’. Ou si ce « Halte au génocide » à l’entrée du premier tunnel contribue à l’apaisement des esprits ou au rétablissement des institutions.

Pour que le dialogue soit stimulé, il y a réconciliation et la paix se construit, c’est ce que la Mairie justifie cette intervention de l’espace public, il faut bien plus que de permettre la réalisation de quelques fresques murales. La colère contre les inégalités ou le manque d’opportunités ne s’arrêtera pas pour les jeunes au moment de faire du graffiti. Unir toutes les villes qui convergent à Cali ne se fera pas en effaçant avec des traits gris ou en ajoutant de la couleur aux murs.

Tandis qu’à Cali et la situation qu’elle traverse, les politiciens de service veulent en profiter, de quelque extrême que ce soit parce qu’il y en a de part et d’autre ; tandis que cette division entre l’Est, la Ladera et le reste de la capitale de Valle del Cauca s’approfondit ; Tant que la vie se verra dans le gris du rejet ou dans la couleur de la contestation, Cali sortira difficilement de cet abîme.

Et cette réconciliation et cette paix que la ville crie ne se réalisera jamais, si, en plus, s’ajoute une Mairie à laquelle elle oublie qu’elle gouverne pour chacun quelle que soit sa condition sociale ou économique ; que l’espace public appartient par définition aux citoyens dans leur ensemble et ne peut être utilisé pour tenter de relever une image déchue ; et qu’imposer l’ordre – l’une des tâches essentielles pour lesquelles un président est élu – est nécessaire pour éviter le chaos et l’anarchie comme ceux qui ont régné à Cali ces derniers mois.
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