Parmi les noms qui ont laissé une marque indélébile sur la science, peu se démarquent avec la même intensité que Humberto Fernández-Morán (HFM). Son héritage, qui comprend l’invention du scalpel de diamant et sa contribution au développement de la microscopie électronique, transcende le champ technique pour entrer dans les profondeurs de la pensée philosophique et de la sensibilité humaine. La nomination qu’il a choisie pour honorer la mémoire de son père, attribuée à Héraclite d’Ephèse, nous invite à réfléchir sur la nature insondable de l’âme: «Les limites de l’âme ne pouvaient pas les découvrir, même si vous avez visité tous les chemins; C’est si profond de votre raison ». Avec ce geste, HFM rend non seulement hommage, mais révèle également une dimension du scientifique avec une fréquence éclipsée par l’image de la rigueur analytique: celle du penseur romantique, l’homme passionné ou la femme qui ne dissocie pas la raison de l’émotion, la logique de la beauté.
Parfois, la figure du scientifique a été injustement réduite à celle d’un glaciaire, distant et guidé exclusivement par calcul et objectivité. La réalité est que la science, dans son essence la plus pure, est un acte d’amour envers la connaissance, une impulsion profondément humaine pour déchiffrer les mystères de l’univers. René Descartes, dans « les passions de l’âme » (1649), a reconnu le lien intime entre les émotions et l’intellect, déclarant que « l’admiration est la première de toutes les passions », et il n’est pas accidentel que ceux qui consacrent leur vie à la recherche sont, en arrière-plan, les gens ému par une admiration inébranlable pour le monde naturel et par le désir d’aller au-delà de ce qui est connu.
HFM a incarné cet idéal, visible dans sa recherche infatigable de précision et de perfection dans l’observation microscopique. Loin d’être un simple exercice technique, c’était une véritable obsession esthétique, un désir de révéler la structure cachée de la vie avec une netteté sans précédent. Dans leur conception de la science, la beauté et la précision sont jointes, comme si l’exploration du minuscule était aussi une façon de contempler le sublime. Cette passion l’a amené à transcender les limites de la technologie de son temps et à développer des instruments qui permettraient aux générations futures de démêler les secrets de la biologie avec une clarté inégalée.
Mais l’âme du scientifique est profonde pour sa rationalité, alors que c’est à cause de sa capacité à se sentir intensément. Descartes lui-même affirme que « les passions sont toutes bonnes de leur nature et nous n’avons rien à éviter leur utilisation abusive ou leur excès ». Dans la vie de HFM, la passion ne se limitait pas au laboratoire; Il s’est étendu à son amour pour son pays, à sa conviction que le Venezuela devrait devenir un centre d’excellence scientifique. La création de l’Institut vénézuélien pour la recherche scientifique a été un témoignage de ses efforts pour semer la connaissance de sa patrie, un rêve qui, comme beaucoup de ceux qui nourrissent les esprits visionnaires, était frustré par des circonstances politiques défavorables.
Malgré les difficultés, son héritage persiste. Chaque scalpel de diamant utilisé dans les laboratoires du monde entier, chaque image capturée avec la précision de la créomicroscopie électronique, est un écho de sa vision. Alors que Carl Sagan, un autre scientifique profondément humaniste, l’a exprimé, « des espoirs quelque peu incroyables à découvrir ». Cette attente est, en substance, le moteur de la science, et son carburant est la même émotion qui anime les artistes et les poètes: curiosité insatiable, dévotion à l’inconnu, fascination pour le mystère.
Il est temps de revendiquer l’image du scientifique tel qu’il est vraiment: un explorateur de la pensée, passionné par la connaissance, un rêveur qui, loin de la froideur stéréotypée, éprouve intensivement la joie de la découverte et de la tristesse de l’échec. Dans les profondeurs de son âme, comme l’a suggéré Héraclite, une raison aussi vaste que malévrée est cachée, une flamme qui éclaire le chemin du progrès humain. HFM, avec sa vie et son travail, nous rappelle que la science n’est pas seulement le domaine de la logique, mais aussi le territoire des grandes passions.
* L’auteur est président de l’Observatoire national des sciences, de la technologie et de l’innovation (ONCTI).
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