Pablo de la Barra vit dans le pays depuis 49 ans et se considère donc plus vénézuélien que chilien.
Son départ du pays sud-américain est dû à la dictature imposée par Augusto Pinochet, qui a laissé des familles dans le deuil et laissé une cicatrice sur sa population en raison de tant de tortures cruelles, de disparitions et d’assassinats.
Lorsque survint le coup d’État contre Salvador Allende, le 11 septembre 1973, Pablo de la Barra était sur le point de terminer son film Chers camarades. Il ne pouvait pas le faire à l’époque et maintenant il raconte l’horreur dont il a été témoin il y a 50 ans.
—Comment avez-vous vécu le coup d’État ?
—Beaucoup de choses ont été vécues ces jours-là. Nous tournions le film Chers camarades, qui a été réalisé grâce au Venezuela.
En ce moment, le film est une sorte d’icône au Chili parce qu’il a été tourné à cette époque et, en plus, il avait la très grande particularité que lors de la répétition du coup d’État, le 29 juin, avant le 11 septembre, Ils l’ont appelé « El Tankotazo », tous les acteurs ont demandé à sortir et à soutenir le gouvernement constitutionnel de Salvador Allende et nous avons filmé cela. C’est là. La réalité est entrée dans le film.
—Que s’est-il passé pendant les premiers jours de la dictature ?
—Le dernier jour de tournage était le 11 septembre. Il y a eu 4, 5 jours où il y avait une interdiction absolue de montrer le nez dans la rue sous peine de mort : s’ils vous voyaient, vous risquiez d’être abattu.
J’étais chez un ami ces jours-là et quand je voulais aller à la société de production, il y avait beaucoup de soldats et un tank.
Ils avaient enfoncé la porte et prenaient des armes qui se trouvaient dans l’entreprise de production et qui étaient fabriquées par un gars qui imitait extrêmement bien les armes avec du bois. Nous les avons eu parce que nous avons eu une scène le 9 septembre où il y a eu une saisie de terrain par les habitants et où la police est arrivée avec leurs mitrailleuses, etc., de sorte que la possibilité d’être abattu et ce qu’il fallait faire nous est tombé sur la tête. … Il se cachait.
—Qu’a-t-il fait ensuite ?
—Ce que j’ai essayé de faire en tant que réalisateur du film et en tant que chef d’équipe, c’était de me présenter au ministère de la Défense
Aller au ministère de la Défense, c’était comme aller dans l’enfer de Dante, car à l’intérieur il y avait beaucoup de gens emprisonnés, torturés et traînés. J’ai expliqué que je tournais un film et ils l’ont accepté, mais cela ne voulait pas dire que nous étions tirés d’affaire.
Beaucoup de choses que nous avions faites le 10 septembre étaient déjà un crime le 12, comme par exemple être membre d’un parti. Et j’étais membre du Parti socialiste. C’était un crime de dire du mal de Pinochet et on en a parlé. C’était un crime de se trouver dans la rue après 18 heures. C’était un crime de commenter, de faire des déclarations. Tout était un crime.
—Quand avez-vous réussi à quitter le Chili ?
—Je suis arrivé en France le 31 décembre 1973 et j’ai passé le Nouvel An à me promener seul le long de la rue de l’Arc de Triomphe sur les Champs-Elysées.
Ce fut l’une des expériences les plus tristes que j’ai jamais vécues dans ma vie. J’y suis resté presque un an.
—Quand êtes-vous arrivé au Venezuela et comment avez-vous vécu le film ?
—Le 6 décembre 1974, je suis arrivé au Venezuela. Avant mon arrivée, quand ils sont entrés dans la société de production, les négatifs n’étaient pas là mais tout le son était là et ils ont tout détruit. J’ai donc récupéré les négatifs et les ai apportés à l’ambassade du Venezuela au Chili.
Il y avait beaucoup de personnes en asile et quand je suis arrivée ici, je suis allée parler à Sonia, la fille de Carlos Andrés Pérez. Elle a fait apporter les négatifs dans une valise diplomatique. Quand je suis arrivé ici, tout le cinéma vénézuélien m’a aidé à terminer le film.
Chers camarades est une coproduction chilienne-vénézuélienne sortie en 1975. C’est le seul film politique que j’ai réalisé de ma vie. Il s’agit d’un groupe qui a braqué une banque à titre d’acte politique et de la discussion pour savoir si cela était valable ou non.
J’ai suivi une formation de cinéaste ici au Venezuela. J’ai réalisé les autres films de ma vie ici.
—Maintenant, son nouveau film est Les Héritiers…
-Ouais. C’est une histoire au réalisme magique dans laquelle un homme se cache dans une maison parce qu’il croit qu’ils vont le tuer. Il est resté caché pendant 47 ans jusqu’à ce que, tout à coup, un gars arrive à la maison et que tout commence à changer. Nous ferons une première en novembre avec le soutien du Cnac.