L’Équateur fait face à sa pire crise carcérale, 75 détenus tués en un jour

23 février 2021 – 22h00
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Newsroom d’El País – AFP

Au moins 75 détenus sont morts et plusieurs ont été blessés dans une série d’émeutes qui ont éclaté simultanément ce mardi dans trois prisons du système pénitentiaire surpeuplé de l’Équateur, et qui, selon les autorités, sont liées à des affrontements de bandes criminelles financées par le trafic de drogue.

Le pays fait face à une crise carcérale sans précédent: 33 prisonniers sont morts dans la prison de Turi, dans la ville de Cuenca (sud); 21 dans la région de Guayaquil (sud-ouest) et huit à Latacunga (centre), a déclaré Edmundo Moncayo, directeur du Service national pour les personnes privées de liberté (SNAI).

Dans la nuit, l’entité a rapporté sur Twitter qu ‘ »il y a une augmentation du nombre de morts de 13″ prisonniers dans le port de Guayaquil.

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Moncayo a exclu les morts parmi le corps de garde, mais a évoqué «des policiers qui ont été blessés», sans en préciser le nombre.

Le bureau du Médiateur a qualifié les émeutes de « massacre sans précédent », qui fait également des blessés parmi les détenus, selon les autorités.

L’agence a exprimé son « inquiétude face au manque de sécurité dans le pays, qui se traduit par l’augmentation de la criminalité et de la violence à l’intérieur des prisons ».

Aux abords du pénitencier de Guayaquil, une quarantaine de femmes ont tenté d’entendre leurs proches. Daniela Soria, une mère de 29 ans, a affirmé avoir reçu une transmission vocale de Ricardo, son mari condamné à trois ans pour trafic de drogue.

« Ils vont me tuer, me faire sortir d’ici. Dites-leur de changer mon drapeau! », Dit l’homme dans le message WhatsApp que Soria a partagé avec un journaliste de l’AFP.

« Nous voulons qu’ils nous passent la liste des morts. Nous savons que les problèmes persistent car tout le monde y a un téléphone et mon mari ne m’appelle pas », s’écrie la femme au milieu de l’agitation des ambulances.

Le parquet a déclaré que la journée violente avait été déclenchée par « des affrontements de gangs criminels ».

De son côté, le président équatorien, Lenín Moreno, a dénoncé une attaque simultanée par des «organisations criminelles». Les autorités « agissent pour reprendre le contrôle des prisons », a déclaré le président sur Twitter.

Tard dans la nuit, la police et les gardiens de prison ont réussi à rétablir l’ordre, a déclaré à l’AFP une source de la SNAI. Les forces armées ont également été mobilisées à l’extérieur des prisons.

Prises prises

L’administration pénitentiaire a décrit le conflit acharné entre les gangs organisés qui se nourrissent du trafic de drogue et qui utilisent les prisons comme bases d’opérations.

Selon Moncayo, lundi, les gardiens ont saisi deux armes à feu qui allaient être utilisées pour anéantir les dirigeants de l’une des organisations opposées qui sont emprisonnés à Guayaquil. Ses ennemis voulaient anticiper « des actions violentes » et ont ordonné le « meurtre de prisonniers dans d’autres centres », a-t-il dit.

Le fonctionnaire a mentionné des groupes tels que Los Pipos, Los Lobos, Tigrones et Chone Killers.

«À l’intérieur, c’est comme un marché. Il y a de tout: de la drogue, des armes, même des chiens. Tout est à vendre», selon Soria. «Quand les prisonniers voient venir la violence, ils s’enferment dans leurs cellules», a-t-il déclaré avant de courir après une ambulance.

Le gouvernement a activé un poste de commandement unifié pour faire face à la crise, qui coïncide avec la mobilisation de centaines d’indigènes à Quito qui réclament un recomptage des votes après le premier tour présidentiel du 7 février. Son candidat, l’écologiste Yaku Pérez, dénonce avoir été victime d’une fraude présumée qui l’a exclu du scrutin d’avril.

En décembre, plusieurs émeutes dans les prisons équatoriennes attribuées à des conflits de pouvoir entre des organisations criminelles et de trafic de drogue ont fait onze détenus morts et sept autres blessés.

Le système pénitentiaire équatorien est composé d’environ 60 centres d’une capacité d’accueil de 29 000 personnes et de 1 500 gardiens, avec un déficit d’au moins 2 500 gardiens. La surpopulation est d’environ 30% (38 000 détenus).

Le gouvernement a décrété une exception relative à l’état de prison pendant 90 jours qui s’est terminée en novembre et qui visait essentiellement à reprendre le contrôle des prisons. Face à la violence, il a adopté la même mesure en 2019.

Le Bureau du Médiateur, qui a tenu l’État responsable de la situation carcérale pour ne pas avoir respecté «son obligation de garant des droits» des détenus, a indiqué qu’en 2020, 103 meurtres avaient eu lieu dans les pénitenciers.

De janvier à ce mardi, la police avait fait état de trois morts dans des affrontements entre détenus.

L’agence gouvernementale en charge des prisons a reconnu le manque de personnel de sécurité, qui « entrave les actions de réponse immédiate » face aux révoltes de prisonniers.

Au milieu de la pandémie de covid-19 et pour réduire le nombre de prisonniers, l’Équateur a appliqué l’année dernière des mesures de substitution pour ceux qui purgeaient des peines pour des délits mineurs, réduisant ainsi le nombre de détenus de 42% à 30%.