La décadence

21 mars 2021 – 06h55


Pour:

Luis Guillermo Restrepo Satizábal

Un directeur obscur d’une fédération de municipalités propose de changer la Constitution pour prolonger le mandat des élus par vote populaire à la présidence et au Congrès, et le scandale éclate. Le favori pour remplacer le président Iván Duque appelle à une rébellion dans les rues contre la proposition, et rien ne se passe.

Ce scandale a duré une semaine. C’est Gilberto Toro, un homme connu pour être depuis des années dans une fédération de maires spécialisée dans le clientélisme et dans le tirage des ficelles de la politique régionale, du Congrès et d’une grande partie du pouvoir exécutif. Sa proposition n’est pas nouvelle: utilisons le pouvoir qui nous a été conféré lors des élections pour changer la Constitution à notre guise, en restant deux ans de plus, en nous épargnant l’usure d’une campagne et en garantissant les revenus et les avantages que cela implique.

Les excuses sont très faciles: la pandémie qui ne nous permet pas de faire campagne. Et d’ailleurs, on empêche Petro de tout prendre si, comme les sondages l’indiquent, il est élu président de la République. Ainsi, les politiciens restent redevables de la faveur, le gouvernement aussi même s’il n’a pas approuvé ou consenti à la disgrâce, et les membres du Congrès trouvent l’excuse parfaite pour contourner la Constitution et leurs engagements envers les électeurs de rester au pouvoir pendant quatre ans.

C’est la confirmation de quelque chose de triste dans la démocratie colombienne: en période de campagne comme celle dans laquelle nous sommes déjà submergés, les parlementaires et les candidats à la réélection, ou à la présidence, ainsi que ceux qui veulent les remplacer, offrent l’or et le Maure et s’engager à respecter le mandat. Une fois élus, ils leur tournent le dos et font ce qu’ils veulent. Le métier de la grande majorité est de se perpétuer au pouvoir et de l’utiliser pour sa propre convenance.

Jusqu’à ce que le scandale soit découvert, les gens réagissent et les médias expriment l’indignation de la société, portée en grande partie par des journalistes déterminés à impliquer le président en exercice dans le canular. Puis la déroute commence, le pharisaïsme apparaît, les partis des vingt-deux représentants qui ont présenté la proposition les renient et quinze d’entre eux retirent leurs signatures la queue entre les jambes.

Pendant ce temps, Petro appelle à une rébellion dans la rue contre un coup d’État qui n’existe pas. C’est son style, c’est son obsession, c’est sa façon d’agir et avec cela il a intimidé tous ces politiciens qui le craignent ou le voient comme le prochain président. Mais personne ne dit rien, car Petro mène les sondages et il faut trouver un logement. Et si je gagne? Que faisons nous?

Ensuite, le silence entoure l’incitation de Petro qui veut rester au moins trois mandats consécutifs à la présidence de la République. Et tout est si calme, rien ne s’est passé, attendons l’autre scandale, n’interrompons pas la crise que nous traversons ou les solutions dont les Colombiens ont un besoin urgent. Dans l’ensemble, il est peut-être le prochain président et ce n’est pas bon de le déranger.

Ce qui compte maintenant, c’est de défendre nos sièges et de nous accommoder dans le train de la victoire qui nous garantit la continuité et le commerce avec l’intérêt public, comme l’ont fait Roys Barreras et Benedetti. Le moins est d’écouter les clameurs des citoyens et de résoudre la crise, le travail pour lequel nous avons été élus. C’est ce qu’est la politique professionnelle aujourd’hui.

Quelque chose de similaire s’est produit il y a vingt ans au Venezuela et a produit l’élection d’Hugo Chávez. Telle est la décadence.
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